Mois du sport et de l’écologie

Nord : la pollution atmosphérique rend-t-elle la pratique du sport dangereuse ?

Endémik est allé à la rencontre de sportifs, médecins, scientifiques pour savoir si la pollution, notamment de l’air, est une problématique difficile à appréhender dans le monde du sport.

Stade, crampons, ballon de rugby, routes, voitures et camions. Le cadre d’entraînement des joueuses de rugby de Villeneuve d’Ascq est exposé de près à la pollution atmosphérique. Environ quatre fois par semaine, les Villeneuvoises s’entraînent en effet tout près du Boulevard du Breucq, grand axe routier de la métropole lilloise.

Pourtant, les joueuses ne se sentent pas en danger face à la pollution ambiante. Lorsqu’on leur parle d’écologie et de pollution, cela fait écho à des actes de leur quotidien comme le tri sélectif, l’utilisation d’une gourde, la diminution des trajets en voiture ou le végétarisme.

« On ne se rend pas compte, on se dit qu’il y a tellement de choses qui polluent, admet Alexandra Pertus, entraîneure de l’équipe féminine d’élite 1 du stade villeneuvois. Aujourd’hui on est ignorant, mais si on nous dit de faire attention à telle ou telle chose on écoute et on fait. » Les Villeneuvoises ne sont pas les seules sportives dans ce cas.

Manque de données sur les impacts

« À l’heure actuelle, ça ne fait pas partie d’un intérêt chez les sportifs, commente Frédéric Daussin, enseignant chercheur à la faculté de sport de Lille et membre du pôle sport santé société. On a beaucoup de difficultés à quantifier en termes de performance donc c’est difficile de leur en faire tenir compte. »

L’enseignant chercheur poursuit : « Les effets de la pollution se jouent sur le long terme. Or, la carrière d’un sportif est extrêmement courte et donc, il s’intéresse au temps court. Si pour le moment il peut jouer, il jouera. Ça ne fait pas partie de la matrice de réflexion du sportif de haut niveau. »

Pourtant, au moment des pics de pollution, à Villeneuve d’Ascq, certaines joueuses confient ressentir des effets : les yeux qui grattent, des difficultés à respirer,…

« On n’a pas de rendu précis sur nos performances donc on ne se rend pas compte de l’impact de la pollution sur nous », analyse Mathilde Berthou, joueuse de l’équipe élite.

L’équipe villeneuvoise n’est pas professionnelle mais s’entraîne à haut niveau.

Pluie, neige, canicule, axe routier, pics de pollution, les joueuses s’entraînent, quelles que soient les conditions.

À Villeneuve-d'Ascq, les joueuses de rugby pensent aux effets de la pollution sur la planète mais pas forcément sur leur santé
À Villeneuve-d’Ascq, les joueuses de rugby pensent aux effets de la pollution sur la planète mais pas forcément sur leur santé.

« On n’arrive pas à démontrer le lien direct entre pratique du sport de haut niveau et pollution spécifique car personne ne le mesure en temps réel », analyse Frédéric Daussin. Selon lui, par le passé, la science a mis du temps à prouver les effets irritants de l’environnement chloré sur les nageurs. Cela a fini par aboutir sur des éléments explicatifs du niveau important d’asthmatiques chez les nageurs.

Les sportifs professionnels plus informés

De son côté, le docteur Franck Roussel, secrétaire de l’ordre des médecins du Nord et ancien médecin du sport, affirme que les sportifs professionnels sont une population informée. En effet, même si les études prospectives ( en temps réel ) ne sont pas réalisables, il existe des études rétrospectives, faites sur des sportifs exposés à des milieux pollués. Celles-ci permettent de quantifier en partie les effets de la pollution sur les sportifs.

Cécile Vignal, biologiste immunologiste et chercheuse explique : « Un adulte au repos inhale entre 6 et 8 litres d’air par minute. En cas de pratique sportive, ce volume passe de 80 à 150, en fonction de l‘intensité de l’effort. Il peut même monter à 250 litres chez un sportif de haut niveau. Conséquence : une exposition plus importante aux polluants présents dans l’atmosphère. » Cela irrite les bronches et peut amener à des crises d’asthme et à une sensibilité plus importante des poumons.

Frédéric Daussin, avance que cette sensibilité particulière serait due à la dilatation des bronches. À l’intérieur des bronches, on retrouve en effet des alvéoles, recouverts d’un liquide protecteur. L’activité physique aurait tendance à diminuer cette couche protectrice, ce qui rendrait les sportifs plus vulnérables à l’entrée de polluants dans leur organisme.

Même si les effets de la pollution atmosphérique sur la performance restent difficiles à démontrer, il existe des études démontrant que le monoxyde de carbone ( l’un des principaux polluants atmosphériques) ampute une grande partie la capacité sportive. En outre, la pollution provoquerait également une moins bonne capacité du système vasculaire à moduler le débit sanguin. Cei réduirait la performance. Si vous envoyez moins de sang au muscle, vous produisez moins d’énergie et donc quand vous courez, vous allez moins vite.

Les particules fines, menaces pour les sportifs des villes

Les particules fines ont une incidence importante en fonction de leur taille. Plus elles sont petites, plus elles sont volatiles, plus elle se répandent géographiquement, mieux elles pénètrent dans l’organisme et donc plus elles vont être dangereuses. « Des études rétrospectives ont découvert que l’augmentation des particules fines (5 microgrammes par mètre cube) augmente de 7% les décès, précise le docteur Franck Roussel. Et cela sans oublier qu’il y a chaque année en France 48 000 décès liés à la pollution de fond*.

Les sportifs sont encore peu informés des impacts de la pollution atmosphérique sur leur santé et leurs performances
Les sportifs sont encore peu informés des impacts de la pollution atmosphérique sur leur santé et leurs performances.

Sur la métropole lilloise, les sportifs sont particulièrement exposés aux particules fines issues des véhicules thermiques.

D’un côté, l’exposition au quotidien, dite « pollution de fond », a des effets mesurés sur le long terme.

D’un autre côté, les « pics de pollution »** ont des effets mesurés sur le court terme pour la majorité des personnes, dont les sportifs.

La pollution pèse sur le sport en extérieur mais également sur le sport en intérieur.

« Quand on est nombreux dans une pièce, on dégage du CO2 , justifie Cécile Vignal. Le fait de bouger tous ensemble dans une pièce augmente les particules en suspension. Si on ne ventile pas les locaux ça s’accumule et donc on est plus exposé. »

Le phénomène est accentué avec les infrastructures vieillissantes, qui « ont tendance à émettre beaucoup de polluants par rapport aux infrastructures récentes », ajoute-t-elle.

Minimiser les effets de la pollution sur le corps

Faut-il pour autant arrêter le sport ? « On a plutôt tendance à vous dire « faites du sport », tranche Fréderic Daussin. Ce qu’on sait aujourd’hui, c’est que les gains de l’activité physique sont supérieurs aux effets néfastes de la pollution, même si vous habitez en ville. »

L’idée est donc de minimiser les effets de la pollution lors de la pratique. Le niveau de pollution n’est pas homogène. Un fort taux peut changer en fonction des heures, ou même, si on s’éloigne de quelques mètres. Ainsi, il vaut mieux pratiquer du sport loin des axes routiers et aux heures de faible affluence, à distance des heures d’embouteillages.

Si vous pratiquez un sport en intérieur, rendez-vous dans les salles de sport en période de faibles activités et si possible, dans des salles neuves et bien ventilées. Des applications mobiles vous indiquent les heures idéales pour aller pratiquer en extérieur dans un environnement le plus sain possible autour de vous.

Enfin, il est conseillé d’éviter de faire un sport à activité intense et de privilégier une activité modérée. Astuce pour déterminer une activité modérée ? Il faut pouvoir parler sans être essoufflé. Par exemple, on va favoriser plutôt la marche sportive ou le vélo que la course à pied.

Anaïs Pennuen
Texte et photos

*48 000 décès par an selon Santé Publique France en 2016
** Ce « pic » est annoncé lorsque que le seuil des polluants présents dans l’atmosphère est dépassé aux yeux des réglementations nationales

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