Alimentation saine et précarité -3/4

Lille : Du pain, des fruits et des légumes accessibles à tous à la Tente des Glaneurs

Depuis 2010, l’association lilloise redistribue les invendus du marché de Wazemmes. Grâce à cela, des personnes en situation précaires ont gratuitement accès à des produits frais.

Lille, marché de Wazemmes, dimanche, 12h30. De la rue racine à la Place de la Nouvelle Aventure, les tenues grises des membres de la Tente des Glaneurs commencent à apparaître en ce dimanche ensoleillé.

Pendant une heure et demie, ils vont glaner les invendus pour les redistribuer à des personnes en situation de précarité. Du pain, des fruits, des légumes et des fleurs.

Dans les allées, les commerçants et les habitués saluent les collaborateurs bénévoles d’un geste ou d’un petit mot. Tous sourient derrière leur masque.

« Ça fait 10 ans que l’on passe donc à force, ils nous connaissent bien, lance Lucie qui a rejoint l’association il y a six mois. Quand ils ont des produits à nous donner, ils nous alpaguent. »

Fruits et légumes variés

À 14h, les premiers glaneurs arrivent. Une trentaine environ, de tous âges. Covid-19 oblige, ils font la queue et avancent en serpentant entre les barrières. Tout cela avant d’arriver devant les étals remplies de fruits et légumes . Au fil des mois, certains ont sympathisé. Ils discutent, rient malgré les distances physiques et les masques.

Parmi eux, Lea, étudiante en cinéma d’animation. « Je viens pour la gratuité et pour limiter les déchets, raconte-t-elle. Depuis que je glane, je mange plus de fruits et légumes qu’avant, surtout en termes de diversité. »

La Tente des Glaneurs tient en effet à offrir aux plus précaires une alimentation variée et équilibrée. « J’ai arrêté de donner à manger aux riches pour donner richement à manger », adore résumer Jean-Loup Lemaire, auparavant cuisiner dans de grands palaces.

Des recettes inventives

Bananes, panais, haricots verts, tomates, choux de Bruxelles, pommes, baguettes, pain complet ou aux céréales. La diversité des produits est au rendez-vous chaque dimanche. « La semaine dernière, on a eu des asperges, illustre Laurent qui patiente dans la file d’attente. J’ai fait une quiche avec. Avoir des produits variés, ça permet d’être inventif. »

L’Hellemmois venait déjà à la Tente des Glaneurs il y a trois ans. Il a dû se résoudre à s’y rendre à nouveau en 2020. « On est trois à la maison et c’est moi qui m’occupe des courses. J’avais arrêté de venir car ma situation financière s’était améliorée. Mais j’ai fait une reconversion professionnelle et avec la crise sanitaire, c’est devenu compliqué de trouver un emploi. »

Comme lui, de nombreuses personnes accueillies à la Tente des Glaneurs ont subi le Covid-19 de plein fouet. « On a eu 38 % de personnes en plus depuis un an et demi, regrette Jean-Loup Lemaire. Je les appelle les nouveaux estomacs. Elles découvrent la précarité alimentaire. Parfois, certaines viennent vers nous en pleurs. Je leur dis que j’ai besoin de leur estomac pour éviter le gaspillage. »

Donner de la dignité

Car malgré l’ambiance conviviale et chaleureuse, la précarité est bien perceptible. « Il ne faut pas oublier qu’on est un centre d’urgence alimentaire, insiste le fondateur de l’association. Les personnes que l’on reçoit ont faim. »

La Tente des Glaneurs fait donc tout pour donner de la dignité aux personnes accueillies. « Chacun fait ses courses comme n’importe quel individu, précise Jean-Loup Lemaire. On les laisse composer leur panier. »

Pouvoir choisir, c’est justement ce qui plaît à Pierre, 73 ans. « Je viens ici pour le pain complet », explique-t-il. Le retraité se rend à la redistribution dominicale depuis 2010.

« J’ai été habitué à galérer pendant 20 ans, confie-t-il. Comme je suis un débrouillard, que j’ai besoin de parler je vais à la Tente des Glaneurs. Et puis, bien manger, c’est important pour la forme. »

Aujourd’hui, Pierre vit en maison de retraite. Cependant il continue de venir. Pour ce pain, qu’il aime tant, mais surtout pour les amitiés qu’il a tissées.

Déborah Adoh

La dignité passe par les mots


À la Tente des Glaneurs, pas de bénévoles ni de bénéficiaires, mais des « collaborateurs bénévoles » et des « personnes accueillies« .

« Les mots sont très importants quand on a perdu sa dignité » , justifie Jean-Loup Lemaire, créateur de l’association.

La Tente des Glaneurs en chiffres

1300 cabas distribués chaque dimanche

60% d’étudiants

11 à 27€ d’économies
par semaine

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