Alimentation saine et précarité – 4/4

À Lille, les sans-domicile veulent avoir accès à une alimentation saine

Aide alimentaire, maraudes et dons permettent aux sans-abri de manger. Mais la qualité des aliments n’est pas toujours au RDV. Ils aimeraient donc avoir accès à des produits plus sains. Illustration à l’association La Cloche.

« Ce qui manque le plus quand on est à la rue, ce sont de bons légumes et de la bonne viande », lance Arnaud, sans-domicile depuis sept ans. Le Lillois est bénévole à La Cloche, association qui a pour but de créer du lien entre les habitants et les sans-abri.

« Je me nourris via les maraudes des associations, ça remplit le ventre mais on n’est pas forcément rassasié, ajoute-t-il. Hier, j’ai mangé une barquette de poisson et riz. Ce n’était pas très bon. »

Martin Van Ecke, animateur et coordinateur de La Cloche à Lille, explique que le sujet de l’alimentation saine pour les plus précaires est tabou. Il admet que l’aide alimentaire est précieuse mais ne laisse pas le choix pour la qualité.

« Les sans-domicile ont envie de manger sainement mais ils n’en ont pas la possibilité, déplore-t-il. Beaucoup de nos bénévoles sans-abri viennent de la campagne et avaient l’habitude de manger des légumes par le passé. »

« Cinq fruits et légumes par jour, c’est trop cher »

L’accès à une alimentation saine est compliqué pour les sans-domicile mais pas seulement. Mamadou, autre bénévole à La Cloche, a connu la rue et a désormais un logement. Cependant, les difficultés pour bien manger restent présentes.

« Je privilégie l’alimentation à l’alcool et au tabac, et je ne fais pas de loisir, explique l’homme de 44 ans. Quand je fais mes courses, je prends ce qui est abordable. Mais cinq fruits et légumes par jour, c’est trop cher. »

Des fruits et légumes frais plus accessibles, voilà ce que réclame Mamadou. Ce souhait est partagé par Madeleine, arrivée à Lille pour ses études.

« Je suis pauvre depuis que je suis petite, ma mère allait aux distributions d’aide alimentaire, raconte la jeune femme de 18 ans. Depuis que je vis à Lille, j’essaye de manger plus local. Ça me questionne de plus en plus de consommer des fruits et légumes traités, qui ne sont pas de saison. Aujourd’hui, je vis avec 500€ par mois. Et même si je suis hébergée par ma famille, c’est compliqué, les prix ne sont pas accessibles. »

Bien manger pour lutter contre les addictions

À La Cloche, tout le monde en arrive finalement au même constat : la précarité empêche l’accès à une alimentation saine. Pourtant, tous sont conscients que bien manger est un enjeu majeur pour s’en sortir.

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Arnaud, bénévole à La Cloche et sans-abri, pense que l’alimentation peut favoriser l’inclusion des sans-domicile dans la société

« L’alimentation, c’est important, surtout pour lutter contre les addictions, analyse Arnaud. Dans la rue, on se nourrit d’alcool. Avec une alimentation saine, on serait beaucoup mieux, en meilleure santé aussi. »

Arnaud a lui-même été confronté à l’alcoolisme. Il souhaite aujourd’hui rentrer dans les ordres. Très spirituel, il pousse sa réflexion plus loin.

« Il faudrait rééduquer les gens à la rue au goût, lance-t-il. Ce n’est pas parce qu’on a faim qu’il faut manger n’importe quoi. Et puis, l’alimentation procure des émotions. J’aimerais qu’on ne soit pas exclu de cela, ça nous aiderait à nous sentir humain. »

Déborah Adoh

La Cloche inverse les rôles avec la Soupe Impopulaire

L’association organise chaque semaine des Soupes Impopulaires partout en France. Le concept ?

Des bénévoles, sans-abri ou non, élaborent des soupes avec des légumes invendus provenant de commerces de quartier.

Ils tiennent ensuite un stand et distribuent les soupes aux passants et habitants. L’occasion de passer un moment convivial et de présenter les actions de La Cloche.



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