Au cœur de l’Audomarois
Hauts-de-France propres : À Saint-Omer, tous unis pour nettoyer les marais
Chaque année en mars, les Audomarois se retrouvent pour nettoyer les marais, à pied et en bateau. Endémik a participé au ramassage sur une des zones de collecte. Bonne surprise : les déchets étaient moins nombreux que prévu.
Saint-Omer, quai des Pâturettes, 9h30. Sous une pluie fine, près de cinquante personnes sont réunies pour l’opération « Hauts-de-France propres ». Ils vont aller ramasser les déchets dans le marais. Un rendez-vous récurrent, mais cette année, le départ est chamboulé.
« Avec les inondations, on a eu beaucoup de dépôts de limon », explique Benoît de l’association Cortège Nautique, dont les membres coordonnent le ramassage.
Le limon, c’est une fine couche de sédiment. Une terre très riche, à l’aspect boueux et qui empêche l’ensemble des bateaux de partir depuis le quai des Pâturettes. Ce dimanche 17 mars, six bacôves* naviguent et seules deux s’élancent du quai. Les autres partent de plus loin.
Après avoir pris sacs poubelles et pinces, les participants enfilent leurs gants et se répartissent en équipages. La plupart devront marcher pour atteindre leurs embarcations.
Sur le quai des Pâturettes, Benoît est aux commandes d’un des deux bateaux. Il participe à l’opération depuis près de 20 ans.
« Le marais, c’est notre cadre de vie, un milieu créé par les anciens dans lequel on travaille, confie Benoît qui a lui-même été maraîcher des marais. On aime notre environnement, c’est un bel endroit et c’est important que ça reste propre. »
Une ambiance conviviale
Ce matin-là, neuf personnes embarquent avec lui. « C’est symbolique, reconnaît l’Audomarois. Mais c’est une action commune, c’est convivial et ça permet de rencontrer des gens. »
Après quelques mètres parcourus, déjà un premier déchet qui flotte. Une bouteille en plastique, près des berges. Avec leurs pinces, les participants sont bien équipés, mais il faut être vif et agile pour attraper les détritus flottants.
Premier essai raté. Benoît manœuvre. Cette fois, c’est Laura qui s’y colle. La jeune femme s’étend de tout son corps. Elle doit s’y prendre à plusieurs reprises mais parvient à collecter la bouteille en plastique.
Très vite, les déchets en bord de berges s’accumulent. Rien d’impressionnant car ils sont isolés, mais l’équipage en croise tellement qu’il renonce à tout ramasser. « On va s’arrêter plus loin pour faire un gros ramassage à pied », annonce Benoît.
Au cœur des marais, les habitants profitent des paysages et observent les oiseaux. Un grèbe huppé dans l’eau, un héron qui s’envole, et même une cigogne.
« Elle a fait son nid, elle va vous déposer un paquet madame », blague Benoît, faisant référence à la légende de la cigogne qui apporterait des bébés. « J’en ai déjà eu six, ce n’est plus de mon âge », lui rétorque la participante sourire aux lèvres.
Sur les terres, l’équipage aperçoit ensuite des chèvres qui paîtrent et salue des habitants des marais devant leur maison.
Après plusieurs kilomètres, Benoît s’arrête pour un gros ramassage. Les nettoyeurs du jour descendent tour à tour. Équipés de leurs gants, sacs et pinces, ils quadrillent cette zone du marais accessible à pied.
D’inombrables canettes en aluminium
Pas besoin de marcher longtemps pour trouver des déchets. Des bouteilles en plastique de nouveau, mais surtout des canettes de bières. Juste à côté, on récupère un hameçon.
Un peu plus loin, un sac de course en plastique. En y regardant de plus près, il est rempli. Les déchets y ont été minutieusement placés mais le sac a toutefois été laissé à l’abandon.
Tout près, on retrouve une grille de four, des cannettes de bières et de boissons énergisantes.
« L’an dernier, on était venus ici et on avait tout nettoyé », indique Benoît.
Tout laisse à penser que ces endroits sont des lieux de rendez-vous prisés pour les barbecues et soirées d’été entre amis.
En trente minutes à peine, les sacs se remplissent et sont même assez lourds pour certains. On retrouve en effet pas mal de bouteilles de bière en verre en plus des canettes.
« L’incivilité des gens m’horripile », glisse Laura. La Dunkerquoise habite à Saint-Omer depuis deux ans. C’est la troisième fois qu’elle vient pour l’opération « Hauts-de-France propres ».
« Un déchet qui s’envole dans la nature, ça arrive, mais là, c’est volontaire, regrette-t-elle. C’est ça qui m’attriste ! Il y a encore des gens qui laissent leurs détritus sur place. »
Moins de passage humains, moins de déchets
L’équipage repart, toujours dans la bonne humeur malgré sa mission pesante. Benoît cherche une nouvelle zone de collecte, cette fois moins accessible. Sur le passage du bacôve, des troncs d’arbres, ronces et autres branches.
« Attention à vous », alerte Benoît. Les participants se mettent sur leurs gardes. À plusieurs reprises il doivent baisser la tête, changer de place pour éviter tous ces obstacles qui pourraient les fouetter voire les faire tomber à l’eau.
Le deuxième arrêt arrive enfin, et surprise : la zone est vierge. On ramasse seulement un bout de plastique accroché à un arbuste. « Comme l’endroit est moins accessible, forcément, il y a moins de déchets », explique le capitaine du bâcove.
Déjà deux heures de collecte, il est temps pour le bateau de repartir quai des Pâturettes. Sur le chemin, Benoît manœuvre pour se rapprocher des déchets rencontrés. Il aperçoit tardivement un gros seau de tabac en plastique et fait marche arrière pour le récupérer.
Mission accomplie, mais juste derrière, un enchaînement de bouteilles en verre et en plastique près des berges attend l’embarcation.
Avec leurs pinces, les participants attrapent les déchets. « Il y en a pour tout le monde », ironise Benoît. Quelques mètres plus loin, c’est une balle de tennis que l’on croise. Benoît la ramasse à la main.
Pas plus de déchets avec les inondations
De retour au quai des Pâturettes, tout le monde est content. La météo a été clémente. Seules quelques gouttes sont tombées et le soleil a même fait plusieurs fois son apparition.
Les détritus étaient quant à eux présents mais, il n’y en avait pas autant que prévu. Cela surprend les habitués.
« Il n’y a pas plus déchets que les autres années », s’étonne Matthieu, membre de l’association Cortège Nautique parti sur une autre embarcation.
Avec les remous des inondations, les Audomarois ont vu défiler les déchets à la surface de l’eau cet automne et en début d’hiver. Ils s’attendaient donc à en ramasser beaucoup plus.
Une bonne nouvelle pour Jérôme, autre membre de Cortège Nautique, qui pense que « les habitants se sont impliqués dans le nettoyage et ont ramassé les déchets petit à petit ».
Bilan de la collecte : de la ferraille, des pneus, des bâches, des bouteilles en plastique et en verre, des cannettes. Et une tendance à la baisse qui se poursuit.
« Ce qui est encourageant c’est qu’il y a à peine 5-6 ans en arrière, le bâcove était rempli de sacs de déchets, se réjouit Benoît. Ça diminue d’années en années. Les premières fois, on trouvait des « ovnis » comme des gazinières. Ce n’est plus le cas. »
Saint-Omer, quai des Pâturettes, 12h10. Sous un ciel couvert, les participants se saluent. Certains rentrent chez eux, tandis que d’autres se dirigent vers la salle des fêtes de Salperwick, située à environ 5 kms.
Un pot de remerciements y est organisé. L’occasion de rencontrer les centaines d’autres participants à l’opération « Hauts-de-France propres » qui ont effectué des collectes sur l’ensemble de la communauté d’agglomération du Pays de Saint-Omer.
*grande barque à fond plat utilisée à l’origine par les maraîchers du marais audomarois
Déborah Adoh