Au cœur de l’Audomarois.
À Longuenesse, une marche de sensibilisation à l’autisme rassemble 200 personnes
Organisé par Lucie, étudiante à Saint-Omer, l’événement a permis de parler aux habitants des Troubles du Spectre Autistique.
Du bleu partout, dans le ciel et dans les rues de Longuenesse. Vétus d’une tenue ou d’un accessoire bleu, couleur symbole de l’autisme, des dizaines d’habitants marchent à leur rythme, seuls, en famille ou entre amis. Tous sont unis pour une cause.
Ils ont répondu présent à l’événement de sensibilisation à l’autisme organisé par Lucie ce vendredi 12 avril. La jeune femme de 18 ans a lancé ce projet dans le cadre de ses études. Elle a tout de suite pensé à mener une action autour de l’autisme.
« Mon frère jumeau, Clément, est atteint de ce handicap et ça me tenait à cœur de le faire connaître aux gens », explique l’étudiante en BTS Support à l’Action Managériale au lycée Alexandre Ribot de Saint-Omer.
L’autisme est un trouble du développement cérébral. Dès le plus jeune âge, il se manifeste notamment par des difficultés de communication et d’interaction sociale.
D’autres spécificités et difficultés concernent les personnes autistes. Elles sont propres à chacun. On parle d’ailleurs de Troubles du Spectre Autistique (TSA), tant les formes du handicap varient.
« On ne parle pas assez d’autisme »
Juste avant la marche, Lucie a d’ailleurs voulu sensibiliser les participants. Elle a invité l’association dunkerquoise « Écoute ton cœur » à venir parler de ses activités.
Celle-ci vient en aide aux personnes autistes et à leur famille. « Nous avons également distribué un livret explicatif autour de l’autisme », ajoute Lucie.
Une sensibilisation nécessaire car tous les participants ne sont pas touchés par l’autisme. À l’image de Marie-Claire. « Je n’ai pas de cas dans ma famille, mais je sais un peu ce que c’est », lance la septuagénaire originaire de Longuenesse. Elle a entendu parler de l’événement sur les réseaux sociaux et tenait à venir soutenir la cause.
D’autres participants sont quant à eux directement concernés par le sujet. Plusieurs familles du Pays de Saint-Omer sont présentes. Une maman regrette qu’« on ne parle pas assez d’autisme ».
700 000 personnes présentent pourtant un trouble du spectre autistique en France et 8000 enfants naissent chaque année avec ce handicap. Des chiffres qui restent incertains car les TSA ne sont pas toujours bien diagnostiqués.
L’anticipation au quotidien pour les familles
Et si l’autisme commence à se faire connaître, le quotidien de la famille d’un enfant ou adulte autiste reste difficile à imaginer pour beaucoup d’entre nous.
« C’est compliqué quand on grandit avec un frère atteint d’autisme, reconnaît Lucie, organisatrice de la marche. Il avait du mal à communiquer. Mais on était très proche quand même. Au fur et à mesure, on apprend et on s’adapte. »
Marie, 44 ans et maman de deux enfants diagnostiqués autistes, évoque quant à elle un autre aspect. « Le quotidien varie selon les personnes, mais le point commun, ce sont les difficultés face aux imprévus, aux changements. Tout est donc plus ou moins anticipé. »
La vie des familles, c’est aussi un engagement à temps plein qui implique des sacrifices. « Quand mon frère était petit, on voulait le mettre en hôpital psychiatrique, explique Lucie. Ma mère a tout fait pour éviter ça. Elle est allée à Paris pour le faire diagnostiquer. Puis, elle a assuré l’école à la maison. Pendant six ans, elle a mis sa vie professionnelle entre parenthèses. »
Une réalité pour beaucoup de familles. Cette marche est un moyen de les rendre visibles. « C’est super d’avoir organisé cet événement », se réjouit Marie.
La mère de famille est aussi chargée de mission pour l’association l’Ass des As qui accompagne des personnes autistes sans déficience intellectuelle en région Hauts-de-France.
« L’autisme, c’est une autre manière de voir le monde, confie-t-elle. Les personnes autistes ont toute leur place dans notre société. Il faut vraiment que tout le monde en prenne conscience et qu’on s’appuie sur elles ! »
« L’autisme, c’est une autre manière de voir le monde »
Cette marche est justement une action qui favorise l’inclusion mais aussi la sensibilisation des plus jeunes. « On vient marcher pour les enfants et adultes qui sont autistes, explique Arthur, 8 ans. Ça veut dire qu’ils ont des problèmes au cerveau. Je n’en connais pas encore, mais peut-être que j’en verrai plus tard. »
Originaire de Moulle, Arthur profite tranquillement de la marche avec sa maman et son chien. Quelques mètres derrière lui se trouve Ethan. Venu de Dohem accompagné de sa famille.
A priori, aucune différence entre Ethan et Arthur, mais il y en a une. « Ethan a été diagnostiqué autiste à l’âge de 4 ans », confie Agnès, sa maman.
C’est en voyant qu’il ne parlait toujours pas que les parents d’Ethan ont constaté qu’« il y avait un souci ». Il a commencé à parler à 3 ans, au moment où il est entré à l’école.
« On est venu marcher parce que c’est vendredi, il y a un goûter et en plus il y a un T-shirt à gagner, lance Ethan, sourire aux lèvres. Le garçon, aujourd’hui âgé de 11 ans, s’exprime plutôt bien. Son handicap est quasiment invisible et cela peut être pénalisant et frustrant.
« Parfois, on lui dit « Ah bon t’es autiste ? Tu n’as pas l’air d’être autiste ! », regrette Agnès, la maman d’Ethan. Mais il n’y a pas besoin que ça se voit pour qu’il ait un handicap ! »
Une marche pour l’inclusion
Scolarisé en milieu ordinaire jusqu’en CE2, Ethan a eu du mal à suivre le rythme normal. De ce fait, en CM1, il a pu intégrer une classe spécialisée, appelée ULIS (Unité localisée pour l’inclusion scolaire).
« Avant, il ne voulait jamais aller à l’école, se souvient Agnès. Maintenant, il va en classe ordinaire le matin et en ULIS l’après-midi. Il sait que la classe est plus adaptée à ses besoins et il se sent plus épanoui. »
En septembre, Ethan entrera au collège. Son équipe éducative commence déjà à le préparer car le garçon, comme beaucoup d’autistes, a du mal avec les changements.
Au fil de la marche, Arthur et Ethan se croisent, discutent et finissent par jouer ensemble à l’arrivée. Une relation spontanée qui donne de l’espoir.
Tout comme le parcours du frère de Lucie, l’organisatrice de l’événement. « Clément est en alternance au restaurant Bacôve avec le chef Camille Delcroix. qui vient d’être étoilé au guide Michelin, confie-t-elle avec émotion. C’est incroyable, c’est une belle avancée ! »
Au final, près de 200 personnes ont marché dans les rues et sur les chemins de Longuenesse. Impensable pour la jeune femme quand elle a commencé à organiser l’événement en décembre.
« J’espère que les gens repartent avec une autre image de l’autisme », lance Lucie. Un succès qui nourrit les ambitions des participants. Beaucoup font déjà le vœu de se retrouver l’an prochain, pour prolonger ce rêve bleu.
Déborah Adoh